Le monde doit intervenir pour aider un Sahel en difficulté

Après des semaines d’incertitude, le président français Emmanuel Macron a annoncé le 24 septembre le retrait des forces françaises du Niger. Cela fait suite au retrait de la présence militaire française au Mali et au Burkina Faso au cours des deux dernières années. Au niveau régional, Paris entretient désormais des relations diplomatiques et militaires avec la Mauritanie et le Tchad, deux des cinq États membres du G5 Sahel – une organisation que la France a contribué à créer en 2014 et qui était censée soutenir la stabilité régionale.

Pour les officiers français, le désengagement du Niger sera un ajout douloureux à la fin l’année dernière de l’opération Barkhane, qui couvrait la région du Sahel depuis 2014. Le gouvernement de M. Macron sera contraint de repenser fondamentalement l’approche de la France en Afrique. Parallèlement, le retrait laisse un vide sécuritaire qui va amplifier l’instabilité au Sahel, comme en témoigne déjà une augmentation constante des attaques terroristes au cours des derniers mois.

Au cours de la dernière décennie, la stratégie de la France pour le Sahel s’est appuyée sur son premier succès de 2013, consistant à sauver le gouvernement du Mali d’une offensive menée par des factions islamistes du nord du pays. Mais rapidement, le gouvernement de François Hollande, alors président de la France, a commis plusieurs erreurs.

Premièrement, l’opération Barkhane avait une mission impossible. Elle s’est appuyée sur 3 000 soldats pour sécuriser une région aussi grande que l’Europe continentale, le Sahel. Alors que l’opération initiale au Mali avait un objectif concret et limité – empêcher une prise de contrôle terroriste de la capitale, Bamako – Barkhane n’avait pas de finalité claire. Paris estimait que le renforcement des capacités des forces armées des cinq pays du Sahel permettrait d’éviter un engagement militaire sans fin, Barkhane conduisant finalement à un transfert de responsabilités.

Dans un premier temps, ce partenariat franco-africain semblait prometteur et quelques succès tactiques dans des opérations conjointes ont donné du crédit au pari. Cependant, la formation des forces sahéliennes, manquant de ressources, s’est avérée difficile. La multiplication des attaques terroristes dans la région, et particulièrement dans la zone frontalière entre le Mali, le Burkina Faso et le Niger, exerce une pression énorme sur les soldats africains, dont la frustration ne cesse de croître.

La France apparaît de plus en plus comme un bouc émissaire évident. Il a soutenu des gouvernements civils jugés incompétents par les soldats et s’est retrouvé pris au milieu de luttes de pouvoir nationales. Bientôt, des officiers et des opposants politiques à Bamako, Ouagadougou et Niamey accusèrent le gouvernement français d’avoir des visées colonialistes.

Cela aurait pu être atténué si la France avait rallié davantage de partenaires occidentaux à son intervention. Les États-Unis ont fourni un modeste soutien logistique à l’opération française et Paris a activement fait pression sur l’UE pour qu’elle partage le fardeau au Sahel. Toutefois, dans l’ensemble, la réponse a été décevante. Une petite force opérationnelle de l’UE, Takuba, a fourni une assistance en matière de sécurité aux forces maliennes entre 2020 et 2022, mais elle n’a pas réussi à véritablement « européaniser » l’opération Barkhane. Pour de nombreux États membres de l’UE, la détérioration de la situation sécuritaire en Europe de l’Est après l’annexion de la Crimée par la Russie en 2014 est devenue une priorité bien plus grande que les crises au Sahel.

L’opération Barkhane avait une mission impossible. Elle s’est appuyée sur 3 000 soldats pour sécuriser une région aussi grande que l’Europe continentale, le Sahel.

Mais la réticence des Européens à soutenir la France au Sahel était aussi le résultat de la confusion stratégique française. Après que M. Macron soit devenu président en 2017, il a annoncé sa volonté de réduire l’empreinte militaire de la France dans la région. En janvier 2020, il a publiquement exigé que les dirigeants africains cessent de cultiver des sentiments anti-français parmi la population locale et augmentent leur part du fardeau sécuritaire. Mais il annonce ensuite une augmentation des effectifs français pour atteindre le seuil de 5 000 soldats.

Le traitement politique de la France envers ses partenaires locaux s’est également révélé incohérent. D’un côté, le gouvernement français a dénoncé les coups d’État militaires au Mali entre 2020 et 2021, au Burkina Faso en 2022 et au Niger cette année. Il a également souligné son soutien à la démocratie. Mais d’un autre côté, M. Macron s’est accommodé de la prise de pouvoir du Tchad par Mahamat Deby en 2021 après l’assassinat de son père – et allié de longue date de la France – Idriss Deby. Ce double standard a eu un impact désastreux : il a affaibli la crédibilité de la France auprès de l’opinion publique locale et a contrecarré sa capacité à maintenir un canal de communication avec les juntes du Mali, du Burkina Faso et du Niger. Dans ce dernier cas, il est révélateur que les troupes françaises aient été contraintes de partir, mais que la mission militaire américaine à Niamey soit pour l’instant restée.

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Comprendre toutes les causes et conséquences de ces erreurs prendra du temps aux responsables français qui veulent croire que la soixantaine de soldats français qui ont perdu la vie en service au Sahel ne sont pas morts en vain. Un bilan critique de l’opération Barkhane devrait également conduire à une révision plus large de l’approche française en Afrique. M. Macron a affirmé à plusieurs reprises que la « Francafrique » – expression décrivant les liens étroits entre le gouvernement français, les milieux d’affaires et les régimes autoritaires africains – était terminée. Cependant, la décennie qui a suivi l’opération française au Mali a été marquée par une politique militaro-centrée en Afrique. Le pays s’est lancé dans sa propre petite « guerre contre le terrorisme » et a négligé l’importance d’autres domaines de coopération, tels que le commerce et le développement. Espérons que le gouvernement de M. Macron redéfinisse cette priorité.

Malheureusement, pour la population du Sahel, le retrait militaire français ne résoudra probablement aucun des problèmes locaux. Premièrement, les juntes des trois pays n’ont pas encore démontré leur intention de renoncer au pouvoir. Il est peu probable qu’ils s’attaquent aux problèmes sociaux et économiques qui nuisent au développement de ces pays depuis de nombreuses années. Enfin, depuis les coups d’État militaires au Mali et au Burkina Faso, les deux pays se sont révélés incapables d’inverser la tendance face aux groupes terroristes. De même au Niger, la junte a confirmé le 3 octobre que 29 soldats étaient morts dans une attaque près de la frontière avec le Mali.

Dans l’ensemble, la combinaison de dirigeants militaires accrochés au pouvoir et d’attaques terroristes incessantes n’augure rien de bon pour l’avenir du Sahel. Cela exacerbera la crise humanitaire et le flux de réfugiés fuyant la région. La France n’aura pas de réponse à cette nouvelle situation mais la communauté internationale, à commencer par la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest et l’ONU, devrait intensifier ses efforts.