L’opposition malgache a dénoncé « un coup d’Etat institutionnel » orchestré par le président Rajoelina, après une série de décisions de justice qui favorisent selon elle le chef de l’Etat candidat à sa réélection dans moins de deux mois.
Dans une lettre reçue mardi par la commission électorale et consultée par l’AFP, dix candidats à l’élection présidentielle accusent le chef de l’Etat de manipuler les institutions pour favoriser son élection à un second mandat à la tête des îles indiennes du Grand Océan.
Les Malgaches se rendront aux urnes pour le premier tour le 9 novembre. Le second est prévu le 20 décembre. Treize candidats sont en lice, dont Andry Rajoelina, 49 ans, arrivé au pouvoir en 2009 grâce à un coup d’État. .
« Le pouvoir (…) a procédé à un véritable coup d’Etat institutionnel dans le but de mettre le Premier ministre aux commandes de l’Etat pendant la période électorale présidentielle afin d’en manipuler les résultats au profit de leur candidat », dénoncent-ils. les dix signataires de la lettre.
Ces derniers jours, une série de décisions de la Cour constitutionnelle, la plus haute juridiction du pays, ont, selon l’opposition, délibérément dégagé l’horizon du président sortant pour le vote.
Samedi, M. Rajoelina a cessé d’exercer le pouvoir, comme le prévoit la Constitution, pendant la période électorale. Le président du Sénat, qui devait assurer l’intérim, a cependant invoqué des « raisons personnelles » et a laissé les rênes à un « gouvernement collégial » dirigé par le Premier ministre Christian Ntsay, proche du chef de l’Etat.
Ce jeu de chaises musicales a été validé samedi par la Cour constitutionnelle.
Le même jour, la Cour a rejeté trois recours demandant que la candidature de M. Rajoelina soit déclarée invalide « faute de nationalité malgache ». La décision publiée tard dans la soirée a jugé « irrecevables » les demandes, déposées en septembre par trois partis d’opposition.
Fin juin, une information fuitée dans la presse révélait que le président avait été naturalisé français en catimini en 2014, déclenchant une polémique dans le pays. Selon le code de la nationalité malgache, il serait alors censé perdre sa nationalité malgache. Sans cette nationalité, il ne peut ni diriger le pays ni être candidat à une élection.
L’opposant et député Jean-Brunelle Razafintsiandraofa a dénoncé à l’AFP les « irrégularités commises par les institutions », disant vouloir interpeller « les intellectuels, les observateurs et surtout les institutions existantes et la communauté internationale » avec la lettre.
Eléonore Johasy, qui représente le candidat Auguste Paraina, a dénoncé « des décisions prises à des heures indues, pour ne laisser aucune chance à quiconque de s’y opposer. »__ »C’est vrai que la confiance s’effrite et que toutes les manigances et manœuvres ne favorisent pas confiance dans les différentes autorités», a-t-elle expliqué à l’AFP.
La Constitution malgache prévoit que le président actuel, candidat à sa propre succession, démissionne de son poste 60 jours avant la date de l’élection et que le président du Sénat assure l’intérim. Mais aucune provision n’est prévue en cas de refus de ce dernier.
« Le président du Sénat a renoncé à cette fonction. On ne peut pas le contraindre à prendre les rênes du pouvoir», a justifié le président de la Cour constitutionnelle, Florent Rakotoarisoa, interrogé par l’AFP.
« Nous n’avons appliqué que la mesure de réserve prévue par la Constitution », a-t-il poursuivi, ajoutant que la justice œuvrait pour « assurer la continuité de l’Etat ». « Selon la Constitution, un gouvernement collégial assure l’intérim dans le cas où le président du Sénat est lui-même candidat à la présidentielle.
Cette série de décisions a été « dictée par le pouvoir », estiment les dix rivaux de M. Rajoelina au scrutin, accusant les membres de la Cour constitutionnelle d' »être complices de ces manœuvres » et d’avoir « validé ce coup d’Etat institutionnel ».